Par Pierre Hubert, Alliance Management
L'auteur est conseiller sénior en gestion et en formation. Après plusieurs années de pratique professionnelle, le développement d'une approche originale de la qualité de service, fondée sur l'intégration de la participation du client est devenu un champ d'intérêt privilégié.
En février dernier, nous vous proposions nos meilleures pratiques de qualité de service (1) : il s'agissait pour nous de lancer la réflexion sur un enjeu de plus en plus fondamental pour les entreprises qui veulent se mesurer aux défis organisationnels du nouveau millénaire. Cette initiative fut saluée de façon enthousiaste par nos clients mais les discussions qui s'en suivirent devaient révéler le besoin d'asseoir ces pratiques sur une base concrète pouvant servir à l'établissement du diagnostique de qualité de service dans une entreprise. C'est cette réflexion qui nous a menés au présent numéro sur les meilleures pratiques de mesure de la qualité de service.
Contrairement aux derniers courants à la mode en gestion, il s'agit moins de se démarquer par des principes révolutionnaires que de favoriser la recherche d'un nouvel équilibre entre les contributions humaines et technologiques dans un environnement mieux balisé par la stratégie d'entreprise et les besoins des consommateurs. Nous proposons le développement d'habitudes de qualité de service par la gestion du changement, l'apprivoisement d'une gestion plus stratégique des ressources humaines et l'implication proactive des clients.
Sommaire
La qualité de service est de plus en plus intégrée à la stratégie d'affaire des organisations à cause de son caractère mobilisant et de l'urgence pour les meilleures organisations de services de se démarquer de la concurrence. Cet article reprend les principaux thèmes des meilleures pratiques de qualité de service et propose des pistes pour les enraciner dans le quotidien des opérations à l'aide d'un système de mesures concrètes.
Mesurer chacune des composantes des meilleures pratiques de qualité de service
1. Mesurer la contribution de la qualité de service à la stratégie d'entreprise
Que vend réellement une entreprise de service ? Essentiellement, elle propose des périodes de disponibilités sur des "serveurs" humains ou mécaniques : comme chaque serveur a une fonction de coûts indépendante et une capacité limitée, l'objectif devrait être de commercialiser au meilleur prix possible la quantité optimale de temps disponible.
La logique de production des produits est très différente ; en production de produit on capitalise les économies d'échelle en maximisant la production. Maximiser la capacité de production d'un service c'est généralement en réduire la qualité puisque le "serveur" débordé sera inévitablement taxé de lenteur et éprouvera de fréquents problèmes de pannes de service ou de délais d'attente. Si une usine est généralement à sa rentabilité maximale lorsqu'elle est exploitée à 90% et plus de sa capacité, une entreprise de service est généralement peu fiable lorsque ses capacités sont exploitées à plus de 70%(3).
Pour définir la capacité optimale de service et la commercialiser au meilleur prix possible, les meilleures pratiques se résument par la formule suivante :
P = Ch x Hs x S x T Optimisation si
D = Np x Fa x V T < ou égal à .70
Où :
P = Volume de production optimal de l'entreprise
Ch = Capacité de production d'un "serveur" par heure de service ( Exprimé en termes de vente de services)
Hs= Nombre d'heures de service disponibles en moyenne par "serveur"
S = Nombre de "serveurs" disponibles
T = Taux optimal d'utilisation de la capacité d'un serveur
D = Demande potentielle du marché pour un service
Np = Estimation du nombre de clients potentiels dans le marché
Fa = Fréquence d'achat moyenne par client
V = Valeur moyenne d'une transaction par client
(1) Voir le l'Info-Alliance de février 2000, volume 2-2000
(2) La servuction désigne l'ensemble des processus d'opération dans l'entreprise qui visent à produire les services
qui sont offerts à la clientèle.
(3) Les entreprises de services, Jean Nollet et John Haywood-Farmer, Gaëtan Morin éditeurs, 1992
L'objectif de vente de l'entreprise devrait être de mettre en marché le volume de services qui correspond au "P" optimum de sa capacité de production. Donc, les objectifs de parts de marchés (P/D) vont varier d'une entreprise à l'autre en fonctions de leurs différentes capacités de production. La majorité des entreprises auront une capacité compatible avec seulement certains créneaux de clientèles.
Les leaders en qualité de service auront avantage à rechercher la clientèle des meilleurs clients pour combler les capacités disponibles parce qu'ils paient mieux, sont moins sensibles au prix et sont généralement plus productifs lors de leurs participations à la servuction. Ce sont eux que l'on voudra fidéliser : nous souhaiterons représenter leurs meilleurs ratios qualité-prix et ajuster les caractéristiques de nos services afin de maximiser leurs productivités et leurs satisfactions.
L'élaboration de la stratégie de qualité de service doit commencer par une analyse des données disponibles sur les clients et par la documentation approfondie des clientèles stratégiques. Quelles clientèles devrait-on chercher à fidéliser ? Quel serait notre objectif de pénétration de ces clientèles ? Quelle fréquence d'achat représenterait un objectif de fidélisation réaliste par rapport à leur potentiel client et à notre capacité de service ? Quel est notre principal défi qualité : améliorer la qualité d'encadrement pendant la servuction ou les rendre plus indépendants grâce à des serveurs automatisés plus performants ou à des formules libre-service plus inspirées et inventives ?
2. Mesurer la culture de qualité de service d'une entreprise
La culture de service c'est une certaine qualité de compétences dans l'entreprise : la direction en propose les conditions, les employés l'animent et la partagent avec la clientèle lors de l'encadrement de la servuction.
Dans sa parution de juillet 1999, la revue Restaurant Hospitality de Cleveland prétendait que trop d'employés d'entreprise de service sont sur gérés et sous motivés. En effet, un nombre imposant d'entreprise ont tendance à remplacer un réel effort de mobilisation par une surabondance de contrôles de gestion, souvent réalisés à la faveur d'intégrations technologiques plus ou moins réussies. Mais, quelles sont les conditions fondatrices d'une culture de service et comment doivent-elle être manifestées dès le début du projet ?
Le professionnalisme, c'est la promotion d'un climat de transaction qui respecte les besoins fondamentaux du personnel en contact et des clients à au moins trois niveaux : l'assurance d'un encadrement étudié pour favoriser la sécurité des échanges, celle qu'on va être traité avec justice et transparence et la surprise de voir stimuler son besoin d'estime personnel par des discussions respectueuses et enrichissantes.
La gestion du virage vers une nouvelle culture de qualité de service aura donc un impact important sur l'éventail des compétences techniques, personnelles et relationnelles qui seront demandées aux candidats à la faveur d'un recrutement et dont le développement sera stimulé par des formations appropriées lors du lancement du projet qualité de l'entreprise.
Les compétences techniques découleront d'une analyse rigoureuse de la configuration des postes de service à la clientèle dans le cadre du projet qualité : elle devra couvrir une maîtrise parfaite de tous les outils servant au soutien du service à la clientèle. Les compétences personnelles devront couvrir les aspects de la gestion de soi, de sa contribution et une capacité d'analyse adéquate pour soutenir la relation d'encadrement de la clientèle durant la servuction.
Les aspects sur lesquels porteront généralement l'évaluation des compétences relationnelles sont : l'empathie de l'accueil en augmentant la qualité de l'écoute, la courtoisie et la souplesse démontrée par le personnel en contact lors des échanges avec la clientèle, la compétence du personnel de soutien et le professionnalisme dont il fait preuve dans ses contacts avec la clientèle.
La promotion de la transparence dans l'entreprise commence par le partage des préoccupations de service avec les groupes d'employés ciblés et ce, dès le début de la démarche : nous devons favoriser des méthodes d'évaluation qui se fondent sur l'écoute en priorisant l'objectivité. Par exemple, on pourrait songer aux méthodes suivantes :
§ L'observation des équipes en action va nous aider à bien préciser le contexte de l'effort d'amélioration et nous aider à tisser les liens essentiels au démarrage ultérieur des cercles de qualité et au lancement de l'effort de formation
§ Des groupes de discussions qualitatifs afin de permettre aux groupes ciblés de préciser le contexte de leurs contributions aux services et de formuler leurs suggestions et leurs pistes d'améliorations
§ Des enquêtes quantitatives pour mieux calibrer l'importance des diverses perceptions quant aux attentes et à la performance dans la prestation des opérations de services. Ainsi on pourra mieux cibler les équilibres à refaire et donner plus d'objectivité à l'exercice.
La planification de l'effort d'amélioration doit suivre les principes de la pyramide inversée : afin de favoriser la relation d'écoute et la qualification professionnelle des groupes en contact, le plan d'amélioration doit se fonder sur des équipes de qualité formées à même les groupes d'employés sur la ligne de feu et partagés entre les représentants et leurs superviseurs. Ce sont eux qui décideront du diagnostique qualité, qui proposeront les voies d'améliorations à privilégier, de mêmes que les objectifs et les normes à cibler au terme de l'effort d'amélioration.
3. Mesurer le lien entre qualité interne et externe
Une enquête réalisée à l'hiver 2000 par le groupe Northstar Reasearch Partners auprès de 204 chefs d'entreprises et 250 consommateurs, révélait que 87% des consommateurs croient que la rétention des meilleurs employés est essentielle à la qualité du service, alors que seulement 37% des chefs d'entreprises font une priorité de la rétention de leurs meilleurs éléments.
Le service à la clientèle c'est ultimement une rencontre entre deux personnes : si le climat interne cultive l'écoute et le professionnalisme de l'équipe en contact, cela devrait se ressentir sur la chaleur et la compétence avec laquelle sont animées les rencontres clients. Il est important de mesurer le climat dans lequel sont soutenus nos représentants et la qualité de la communication dans les équipes. Il ne faut pas oublier l'impact de la réduction de la rotation du personnel sur la fidélisation des clients.
La satisfaction au travail, la communication dans les équipes et le leadership de la supervision doivent être abondamment documentés par nos efforts d'enquête sur la qualité du service à la clientèle. Un climat de service plutôt froid et bureaucratique pourrait aussi bien trouver sa source dans une supervision un peu trop contrôlante que dans un réel manque d'enthousiasme pour le soutien de la clientèle.
Une enquête bien structurée devrait se concentrer sur le contenu des échanges de servuction entre les clients et le personnel directement en contact : les mêmes questions et les mêmes techniques de sondage devraient servir à récolter les impressions des deux groupes. Une version adaptée des questionnaires devrait s'adresser au personnel affecté à la supervision du personnel en contact. Ainsi, on obtient une évaluation globale de la qualité des échanges et des contraintes affectant les opérations et l'encadrement.
4. Mesurer les 5 dimensions de la qualité de service
Selon les pratiques reconnues de mesure de la qualité de service, il existe cinq dimensions fondamentales à la qualité d'un service. Ces cinq dimensions comprennent deux aspects de mesure du résultat de la relation de service :
La fiabilité : soit la capacité d'une entreprise à réaliser le service promis de façon soutenue et sans faille
Rapidité et disponibilité : l'empressement et la diligence dans l'accessibilité du service à la clientèle (on fera souvent référence
au temps d'attente et à la durée de la prestation)
Elle comprend aussi deux dimensions d'encadrement dont la mesure doit exprimer le niveau de confort et de soutien offert à la clientèle durant la servuction :
La crédibilité : soit la compétence et le professionnalisme de l'équipe de servuction qui est en contact avec le client
L'empathie : soit l'attention portée à l'endroit des clients, la communication, l'écoute et l'accessibilité du personnel encadrant la servuction
Il faut prendre la mesure de l'appréciation de l'environnement physique et du matériel supportant la prestation : cette dimension est autant axée sur la capacité de service et les résultats que sur l'encadrement et le confort du climat de prestation.
Une méthode d'enquête de qualité de service bien structurée doit nécessairement couvrir ces cinq sujets dans un langage adapté à la réalité de l'entreprise et au type de relation qu'elle souhaite entretenir avec ces clients. On pourrait même pousser le raffinement une étape plus loin en demandant aux répondants quelles sont leurs attentes minimums pour un service adéquat et leurs niveaux idéals pour un service qui les comblerait entièrement. Ce qui nous permettrait de développer un coefficient de service adéquat afin de vérifier si nous remplissons bien les attentes minimales et un coefficient de supériorité du service pour les cas où nous comblons le niveau des attentes idéales.
Enfin, il ne faudrait pas manquer de vérifier la perception du rapport qualité-prix tel qu'il est perçu par nos clients à fidéliser : si des faiblesses devaient apparaître à ce niveau il ne faudrait pas hésiter à leur demander leurs suggestions pour simplifier la prestation et leur en donner plus pour leur argent.
Conclusion
La qualité de service et les mesures de résultat sont liées à la stratégie de développement de l'entreprise. Les entreprises les moins performantes focalisent leur stratégie sur une mise en marché agressive fondée sur les réductions de prix et les promotions. Celles qui démontrent les meilleurs résultats financiers et organisationnels sont plus axées vers l'analyse et la mesure de leur performance; elles se révèlent proactives et portées vers l'innovation.
Les retombées principales d'un projet de mesure de la qualité de service seront : une meilleure fidélisation de la clientèle ciblée par l'entreprise donc plus de revenus, une économie appréciable sur les coûts de non qualité en augmentant le taux de prestations réussies du premier coup et finalement des économies appréciables par des investissements mieux ciblés. Qui peut ignorer ces bénéfices?
Alliance Management possède tous les outils et l'expertise pour mesurer l'un ou l'autre des concepts fondateurs de la culture de service de votre entreprise. Il nous fera plaisir de vous en faire la démonstration sur demande et à votre convenance.
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